3) La fusion et ses risques
A) la fusion
L’énergie nucléaire produite lors d’une fusion, comme dans
le cas de la fission, provient du défaut de masse atomique.
La fusion nucléaire est une réaction au cours de laquelle
deux noyaux légers s'unissent pour former un noyau plus
lourd.
Pour fusionner, deux noyaux doivent être animés de grande
vitesse et portés à très haute température. La réaction de
fusion existe à l’état naturel dans le cœur des étoiles.
Elle est artificiellement produite lors de l’explosion d’une
bombe nucléaire à l’hydrogène, mais les savants ne sont pas
encore parvenu à contrôler son processus de développement.
Lorsqu’ils auront réussi à en maîtriser les rouages (sans
doute vers le milieu du XXIème siècle), cette inépuisable
énergie pourra être utiliser pour produire des quantités
massives d’électricité, car dégageant une quantité d’énergie
considérable.
De même que la fission,
la chaleur induite par la fusion permet au mécanisme de
s’auto-entretenir, car entraînant avec elle d’autre fusion.
On peut ici faire un parallèle avec la réaction en chaîne
établie lors d’une fission.
Bilan énergétique
: exemple de la fusion d’un noyau de deutérium et de tritium
Masses des particules
:
m (
) = 2,0135u ;
m (
) = 3,0160u ;
m (
) = 4,0015u ;
mn
= 1,0087u
∆m = m (
) + mn
- m (
) - m (
)
∆m = 4,0015 + 1,0087 - 2,0135 - 3,0160
∆m = -0,0193u
On remarquera que ∆m<0. La masse du système diminue et le
système fournit de l'énergie au milieu extérieur. Cette
énergie s'écrit:
E = |∆m|. c²
E = 0,0193 x 1,660 54 x 10-27 x (2,9979 x 108)²
E = 2,880 x 10-12 J
E = 18,00 MeV
Comparons maintenant l’énergie produite par la fission
d’1kg d’uranium 235 et l’énergie produite par la fusion
d’1kg de deutérium/tritium (deux combustibles efficaces pour
la fusion).
Cas de la fission
On calcule le nombre d’atomes A (ou plus exactement de
noyau) d’Uranium 235 contenu dans 1 kg :
A = 1/(235 x 1,67 x 10-27) = 2,548 x 1024
On a calculé précédemment que la fission d’un noyau
d’Uranium 235 libérait 184,7 MeV.
On note E, l’énergie totale, libéré par la fission d’1kg
d’uranium 235.
E = 2,548 x 1024 x 184,7 = 4,706 x 1026
MeV
Cas de la fusion
On calcule le nombre d’atomes B (ou plus exactement de
noyau) de Deutérium et Tritium contenu dans 1kg :
La masse des atomes de deutérium est égale à 2B x 1,67 x 10-27
La masse des atomes de tritium est égale à 3B x 1,67 x 10-27
1 = 2B x 1,67 x 10-27 + 3B x 1,67 x 10-27
B = 1/ (5 x 1,67 x 10-27 ) = 1,198 x 1026
On a calculé précédemment que la fusion d’un noyau de
Deutérium et d’un noyau de Tritium libérait 18,00 MeV.
On note E‘, l’énergie totale, libérée par la fusion d’1kg de
deutérium/tritium.
E’= 1,198 x 1026 x 18,00 = 2, 156 x 1027
MeV.
E’/E = 2,156 x 1027 / 4,706 x 1026 =
4,581
La fusion nucléaire produit théoriquement beaucoup plus
d'énergie, à masse de "combustible" égale, que la fission.
***
B) le principe d’un réacteur de fusion
a) une réaction
envisageable
> Deutérium - tritium, une source d’énergie pour l’avenir.
Plusieurs réactions de fusion sont théoriquement possibles,
mais la plus réalisable est la fusion de deux isotopes de
l’hydrogène. Si l’on précipite l’un contre l’autre un noyau
de deutérium et un de tritium, ils peuvent fusionner pour
former un noyau d’hélium. Un neutron est alors expulsé et la
réaction libère de l’énergie. Nous avons vu cette réaction
précédemment. L’eau contient 40 mg de deutérium par litre,
et le tritium s’obtient en bombardant des noyaux de lithium
avec des neutrons. On peut utiliser à cet effet les neutrons
produit par des réactions de fusion.
b) La
condition sine qua non
Les noyaux de charges électriques positives se repoussent.
Ils doivent être animés d’une très grande vitesse pour
vaincre cette répulsion électrostatique et entrer en
collision. Cela ne se produit qu’à très haute température,
puisque la température est une mesure de l’agitation des
particules.
Par exemple, la vitesse nécessaire à la fusion
deutérium-tritium correspond à une agitation thermique de
500 millions de degrés. De fait, si la température moyenne
est de l’ordre de 100 millions de degrés, la réaction
devient possible car une proportion suffisante de noyaux
atteint la vitesse minimale nécessaire.
A cette température, les atomes se dissocient, et on obtient
un nuage de particules chargées : les noyaux (positifs) et
les électrons (négatifs). L’ensemble est électriquement
neutre. Cet état de la matière, ni solide, ni liquide, ni
gazeux, s’appelle un plasma. C’est celui du cœur des
étoiles.
Dans un réacteur, le chauffage initial
est obtenu par compression, par injection d’atomes neutres
de haute énergie ou par utilisation d’ondes de haute
fréquence. Les réactions de fusion doivent être assez
nombreuse pour libérer plus d’énergie qu’il n’en faut pour
maintenir la température du plasma malgré les pertes par
rayonnement et celles dues aux impuretés provenant du
dégazage des parois. Ce stade est appelé l’ignition.
Cela ne se produit que si le plasma dépasse un seuil de
température et de densité (nombre de noyaux par cm3). De
plus, ces conditions doivent être maintenues pendant une
durée minimale appelée temps de confinement, dépendant des
deux autres paramètres. Ces exigences constituent le critère
de Lawson, du nom du physicien britannique qui les a mises
en évidence en 1957. Si ce critère est satisfait, l’énergie
cinétique des particules produites par la fusion accroît
l’agitation globale (la température) du plasma, de nouvelles
fusions se produisent et le processus est auto-entretenu.
Des efforts importants ont été consacrés depuis trente ans à
la recherche sur la fusion contrôlée, mais le critère de
Lawson n’a pas encore été satisfait. Les réactions obtenues
ne dégagent pas assez d’énergie pour s’auto-entretenir
elles-mêmes.
c)
le confinement du plasma
Comment contenir dans un espace limité (pour conserver une
densité suffisante) un plasma à cent millions de degrés qui
a naturellement tendance à diffuser et se refroidir ? Il est
évidemment impossible d’utiliser une enceinte solide. Deux
méthodes sont à l’étude.
Le confinement inertiel consiste à faire converger des
faisceaux laser ou de particules (ions ou électrons) très
puissants sur un mélange deutérium-tritium de forme
sphérique. La couche extérieure subit un échauffement
intense qui, par réaction, comprime la région centrale de la
sphère. Cette compression élève la température du centre
jusqu’à un niveau suffisant pour permettre la fusion des
noyaux.
Le phénomène de la compression et de la combustion d’une
sphère de Deutérium / Tritium est présentée ci dessous. Dans
son principe, la cible est constituée d’une coquille
comportant le combustible (D/T) sous forme d’une couche
cryogénique (très basse température) entourée d’un matériau
léger appelée ablateur.
Le
schéma de fusion par laser, le plus simple au niveau
conceptuel, est désigné sous le vocable d’attaque directe
(voir figures 1 et 2). Une intensité laser de l’ordre de
1014 à 1015 W/cm2 est envoyée sur la cible par un grand
nombre de faisceaux laser (figure 1a). L’énergie est
absorbée par les électrons situés en périphérie ce qui
engendre un plasma de température 2-3 keV (1 keV = 10
millions °K), et donc une pression (dite d’ablation) très
élevée de l’ordre de quelques centaines de MBars. Le plasma
se détend vers l’extérieur de la cible, et par réaction ou
effet fusée, il engendre un choc, qui accélère la cible, de
façon centripète (figure 1b). La cible implose, l’énergie
cinétique se transformant en énergie interne ; le matériau
fusible se comprime et chauffe jusqu’à des températures de
5-10 keV au centre : les réactions de fusion se déclenchent
(figure 1c). Celles-ci vont s’entretenir et la combustion se
propage sous forme d’une onde de détonation, si les
conditions d’allumage sont réunies : l’énergie apportée,
essentiellement par les particules α issues de la réaction
D/T, doit parvenir à compenser les pertes par rayonnement et
par conduction électronique. Le combustible brûle alors.
***
On étudie aussi le confinement magnétique d’un plasma de
faible densité (de l’ordre de 1013 à 1016 noyaux par cm3)
pendant un temps relativement long. Cette méthode repose sur
la propriété des particules électriquement chargées
d’enrouler leur trajectoire en hélice autour des lignes de
force d’un champ magnétique. Si l’on donne à celui-ci la
forme d’un tore où les lignes de force se referment sur
elles-mêmes, les particules sont « piégées » et le plasma
demeure confiné.
Le Tokamak, qui met en
œuvre le principe du confinement magnétique semble le plus
prometteur des dispositifs réalisés. Ce terme est une
abréviation de trois mots russes : Tok (courant), Kamera
(chambre) et Mak (magnétique). Il a été imaginé vers 1950
par les physiciens soviétiques Tarmon et Sakharov. Une
chambre métallique étanche en forme d’anneau (tore) renferme
le mélange deutérium-tritium. Un noyau de tôle magnétique le
traverse, portant des bobines inductrices. Elles font
circuler un courant qui chauffe le mélange par effet Joule,
le faisant passer à l’état plasma. D’autres bobines créent
des champs magnétiques qui empêchent tout contact avec les
parois : des bobines de champs toroïdal le guident autour de
l’axe du tore, et des bobines de champ polaroïd assurent sa
stabilité.
Le programme européen de recherche
> Le Tokamak. Depuis la création d’Euratom, en 1957, les
recherches en matière de fusion contrôlée par confinement
magnétique sont menées de manières coordonnée par les pays
de l’Union Européenne.
Les recherches s’effectuent dans le cadre de contrats entre
les organismes nationaux de recherche (le Commissariat à
l’Énergie Atomique pour la France) et la commission
européenne.
Le JET (Joint European Torus) est le plus grand Tokamak
actuellement en service dans le monde. Installé à Culham, en
Grande Bretagne, il fonctionne depuis 1983. Son objectif est
d’étudier le plasma dans des conditions proches de celles
d’un réacteur de fusion. En novembre 1997, le JET a produit
16MW de puissance thermonucléaire contrôlée pendant quelles
secondes, ce qui constitue le record mondial en la matière.
Parallèlement, le programme Tore Supra, réalisé dans le
cadre de l’association Euratom-CEA, permet d’améliorer les
connaissances dans les domaines de la physique des plasma et
de la technologie des Tokamaks. Mis en service en 1988 à
Cadarache, dans le midi de la France, près d’Aix en
Provence, c’est actuellement le seul grand Tokamak disposant
d’un aimant toroïdal supraconducteur, ce qui lui permet de
réaliser des décharges longues (record à ce jour 6,50 min).
D’autres centres de recherche existent en Europe, comme
Garching et Jülich en Allemagne, Padoue et Frescati en
Italie et Madrid en Espagne.
Le Japon, la Russie, les États Unis et l’Union Européenne
sont par ailleurs associés sous l’égide de l’Agence
Internationale de l’Énergie Atomique pour définir un projet
de réacteur thermonucléaire international (ITER). Destiné à
démontrer la « faisabilité scientifique et technique de la
fusion nucléaire comme nouvelle source d’énergie », ITER
devrait être achevé en 2016 et aura une puissance de 500 MW.
A plus long terme, l’Union Européenne prévoit un réacteur de
démonstration intégrant toutes les technologies nécessaires
pour récupérer l’énergie thermonucléaire produite par la
réaction de fusion et produire de l’électricité : l’étape
DEMO qui devra précéder la réalisation de réacteurs
commerciaux.
***
C) les risques d’accidents
> L’absence de risque d’emballement de la réaction. Les
conditions d’entretien de la réaction de fusion imposent
l’utilisation d’un plasma très peu dense (quelques grammes
de combustible dans un volume de plusieurs centaines de m3),
très pur et à très haute température. La quantité de
combustible présente dans la chambre de combustion pendant
la réaction est donc toujours très faible. La moindre
perturbation non contrôlée de ce milieu entraîne son
refroidissement rapide et l’arrêt automatique des réactions
de fusion. L’emballement de la réaction est par conséquent
intrinsèquement impossible. Après l'arrêt du plasma,
l'énergie résiduelle est faible. Aucune détérioration
majeure d'origine accidentelle portant sur les structures ne
peut se produire. Il en résulte que la fonction principale
de sûreté à assurer est le confinement (pour un réacteur à
fission, il faut ajouter le contrôle de la réaction et
l’évacuation de la puissance résiduelle). La stratégie de
confinement fait l'objet d'un soin particulier à cause de la
présence de tritium qui se caractérise par une diffusion
élevée dans la plupart des matériaux. Cependant, il faut
souligner que des techniques éprouvées et qualifiées dans
plusieurs installations au monde ont montré leur efficacité
concernant la gestion du tritium. Des études détaillées ont
montré qu’un dimensionnement adéquat permet d’éviter
l’évacuation des populations même en cas d’accident majeur.
Toutefois, la fusion
nucléaire n’est pas sans présenter des risques d’accidents.
Le tritium est un isotope de l’hydrogène, on le produit à
partir de lithium par bombardement de neutrons. Le lithium
est un métal hautement réactif chimiquement, présentant les
risques suivants : il est inflammable, explosif et toxique.
Sa présence, dans une installation où des températures très
élevées sont atteintes et où ont lieu des flux d’énergie
considérables, constitue un risque majeur. Le tritium,
produit de base de la fusion, est particulièrement difficile
à confiner (il diffuse à travers les parois métalliques ;
seul l’acier inoxydable assure l’étanchéité). Il est
pratiquement inévitable qu’ait lieu une contamination
générale du bâtiment réacteur et de son environnement par le
tritium. Un autre facteur de risque préoccupant est lié à la
mise en œuvre de champs magnétiques de haute intensité ; des
quantités d’énergie énormes sont ainsi susceptibles
d’entraîner des accidents graves. Le fait que la réaction de
fusion s’arrête en cas d’accident (il n’y a pas de risque
d’emballement de la réaction comme dans un réacteur de
fission) ne signifie pas qu’un accident dû à une explosion
de lithium, à une rupture des circuits d’évacuation de la
chaleur ou à une rupture de plasma n’aurait pas de
conséquences graves. Par ailleurs, les champs magnétiques
doivent être créés au moyen de bobines parcourues par des
courants électriques très intenses. Pour éviter le
dégagement de chaleur destructeur, il faut que les bobines
soient en permanence refroidies à une température proche du
zéro absolu (-273°), ce qui entraîne la cohabitation dans la
même installation de températures extrêmement élevées et de
températures extrêmement basses. On peut se demander ce que
produirait une telle rencontre en cas d’accident ?
Pour conclure, malgré les différents points abordés ci
dessus, nous pouvons affirmer que la fusion présente des
risques mineurs en comparaison à ceux de la fission, car ne
présentant aucun risque d’emballement. |